lundi 28 février 2011

Boys don’t (know how to) cry!

The Cure affirmaient en juin 1979 que les garçons ne pleuraient pas.

The Cure - Boys Don't Cry



Voilà une nouvelle idée reçue que les Générateurs d’Idées ont bien envie de décrypter !

Ce n’est pas qu’ils ne pleurent pas, c’est juste qu’ils ne savent apparemment pas comment il faut faire ! En effet, selon un article récemment publié sur lepoint.fr, les hommes seraient décidés à se réconcilier avec leurs larmes.

Ainsi aux Etats-Unis, près de San Francisco, Pete Van Dyk, un éducateur pour ados à problèmes, et Lee Glickstein, qui forme les gens à s'exprimer en public ont eu l’idée d’ouvrir un « atelier lacrymal » baptisé « The water workers ».

Le groupe a pour objectif de « d'encourager les hommes à afficher leurs émotions, à se laisser aller. Bref, à aller à l'encontre de ce qu'on inculque aux garçons génération après génération : rester stoïques et ne pas pleurer parce que "ça ne fait pas viril" ».

Menoftears.com, le site Internet de l’atelier regorge de témoignages vidéo qui nous exposent les conséquences néfastes pour ces hommes réticents à verser leur petite larmichette. Pete Van Dyk, co-fondateur de l’atelier explique même que ce sont toutes les larmes retenues post-11 septembre qui ont mené l’Amérique à la guerre!

Pete van Dyk, Men of Tears: The Day After 9/11


Bon alors comme tout le monde ne peut pas aller à San Francisco pour apprendre à verser sa petite larmichette et si en plus ça permet d’éviter la guerre, les Générateurs d’Idées se doivent d’intervenir !

Appuyons nous sur des situations mettant en scène des hommes célèbres pour montrer à ces messieurs les « do’s and don’ts du bien savoir pleurer en société ».

Situation n°1 : Les larmes trop longtemps étouffées


Action : Lionel Jospin, Université d’été du PS en 2006. Questionné par une jeune militante sur son retrait de la vie politique après la déroute de 2002, l’ancien premier ministre répond la voix cassée et des larmes dans les yeux « Je ne vous ai pas abandonnés (...) J'ai pensé que si je prenais sur moi finalement symboliquement, physiquement et tristement le choc de cette défaite, alors peut-être vos chances en étaient augmentées pour la bataille législative, et pas affaiblies ».

Réaction : Tonnerre d’applaudissements dans la salle. Certes, l’ancien premier ministre reste soft dans sa manière de manifester la souffrance. Point de larmes qui perlent sur le visage ou de nez qui coule, juste des sanglots coincés au fin fond de sa gorge depuis 4 ans après un fameux « j'assume pleinement la responsabilité de cet échec et j'en tire les conclusions en me retirant de la vie politique après la fin de l'élection présidentielle ».

Résultat : Après les applaudissements et bien soyons honnêtes : pas grand-chose ! Lionel Jospin est retourné sur son île de Ré pendant que le PS désunit allait droit vers la défaite aux présidentielles 2007.

Verdict : C’est un bon début mais on peut trouver mieux. Attention ne nous méprenons pas, nous saluons le courage qu’a eu Lionel Jospin d’évoquer en public ce qui a certainement été, au-delà d’une amère déception, l’expérience la plus humiliante de sa carrière.


Situation n°2 : Les larmes du laisser-aller plus ou moins assumé



Ciao Ronaldo!


Action : Luiz Nazario de Lima a.k.a Ronaldo le 14 février 2011. Après avoir fait le bonheur de plusieurs grands clubs européens, gagné 2 Coupes du Monde, 2 Ballons d’Or (entre autres) et plongé beaucoup de défenseurs dans le désarroi, « Il Fenomeno » annonce qu’il raccroche les crampons après 18 ans de bons et loyaux services. A l’évocation de cette « première mort », l’attaquant brésilien ne peut retenir ses larmes, offrant à tous les amoureux de football un cadeau de Saint-Valentin bien cruel.

Réaction : De Zidane à vos contacts facebook qui ont remplacé leur traditionnelle photo de profil par un cliché du prodige brésilien, tout le monde y va de son hommage vibrant laissant effectivement croire que Ronaldo n’est plus de ce monde.

Résultat : Raillé depuis des années en raison de son poids , de ses affaires de mœurs et relégué au second plan par l’autre Ronaldo, le bien vivant néo retraité revient en grâce depuis son annonce. Une réhabilitation en règle malgré la révélation d’une anecdote peu glorieuse liée à la prise de médicament contre le surpoids.

Verdict : On peut parler dans ce cas de larmes pertinentes…mais, petit bémol tout de même : on sait bien que pour certains l’événement sportif est l’alibi préféré pour ouvrir les vannes. Prononcez les termes, Séville 82, France-RFA et Schumacher chez un sujet mâle amoureux de football âgé de 40 ans minimum et vous pourrez peut-être entendre : « C’est la seule fois où j’ai pleuré devant du foot. Il parait que même Lino Ventura a chialé après le match…Si si je te jure, c’est Thierry Roland qui l’a dit ! ». Et les sanglots incontrôlables du tennisman suisse Roger Federer à l’issue de sa défaite contre Rafael Nadal en finale de l’open d’Australie 2009 ! Tellement insupportable qu’on aurait presque eu envie d’arracher le trophée à Rafa pour consoler Roger. Rassurez-vous, ça marche aussi en cas de victoire. Prenez par exemple le journaliste Alexandre Boyon qui pas plus tard que dimanche dernier avait les yeux tout humides quand le slalomeur Jean-Baptiste Grange est devenu champion du monde ou encore ce commentateur argentin, fou de joie jusqu’aux larmes après le fameux but de Maradonna contre l’Angleterre en 1986. En revanche, attention à ne pas trop verser dans le mélo, on pourrait se demander si vous en faites pas un peu trop...

Situation N°3 : Les larmes « Yes we did » qu’on peut aussi appeler « larmes patriotiques ».

Action : On revient dans le champ de la politique, mais américaine cette fois en évoquant l’émotion soulevée par l’élection de Barack Obama en novembre 2008.

CNN - Tears for Obama's grandmother


Réaction : Le candidat Obama avait versé les premières larmes la veille du scrutin à l’évocation de la perte de sa grand-mère. Le lendemain, des millions d’américains, célèbres et anonymes ont imité leur nouveau président et usé pas mal de kleenex à la vue des mots « Obama Elected ».

Résultat : Une émotion qui a inspiré nombre de photographes et vidéastes amateurs postant frénétiquement sur facebook, youtube, twitter & co des millions d’images parmi lesquelles on pouvait voir quelques gaillards pleurer à chaudes larmes. Néanmoins, cette manie de la larme à l’œil tend à devenir « mainstream » dans la jungle politique américaine. Meilleur exemple, le républicain John Boehner, speaker de la Chambre des représentants qui à l’honneur de voir son nom associé à « crying » dans les suggestions de recherches Google.

Verdict : La larme qui fait partie de l’histoire du pays est clairement celle que les hommes ont le moins peur de verser. Noble et spontanée, cette manifestation est même avouée sans honte à l’image de l’acteur Will Smith qui clame, toujours à propos d’Obama, «quand il a gagné j’ai tellement pleuré que ma fille a cru que quelque chose de grave était arrivé ». Variante britannique des larmes « Yes we did », les larmes « Lady Di »  aperçue entre fin août/début septembre 1997 dans les chaumières anglaises d’abord et puis un petit peu partout autour du monde ensuite. Pour le coup, elles n’exprimaient pas vraiment la joie et sont venues bousculer le légendaire flegme britannique, à l’image du premier commentaire que l’on peut lire sous cette vidéo de la chanson Candle in the wind. Prochain rendez-vous pour laisser s’exprimer ces larmes patriotiques : peut être le 29 avril pendant le mariage tant attendu du Prince William  avec Kate Middleton! Quant à la France, restons dans le sport et considérons que les dernières larmes patriotiques remontent à un certain soir de juillet 1998. Ou alors on peut évoquer les festivités Concorde/Fouquet’s de mai 2007 mais nous ne sommes pas certains que cela plaise à tout le monde…

Conclusion : Attention ! Loin de nous l’idée de penser que les trois cas de figures présents ici sont les seules situations où il est permis à un homme de pleurer. Mais on espère que ça pourra quand même un peu aider. Et puis si ça ne marche pas vous pourrez toujours utiliser le bon vieux filon du film poussière dans l’œil ou de la chanson qui ne peut pas laisser insensible.